On me demande souvent la différence entre les conséquences, qu'on utilise avec RIE, et les punitions classiques. Et comment les établir, pourquoi ça "fonctionne" mieux.
Je vais tenter de t'expliquer ce que j'en ai compris.
Dans une approche éducative "classique", le parent utilise des punitions pour faire respecter les règles qu'il a établi.
Ces règles sont de plusieurs sortes: les règles de base, sécuritaires (ne pas traverser la rue sans donner la main, ne pas toucher les prises électriques...); les règles de comportement social (ne pas sauter sur le canapé avec des chaussures pleines de boue, ne pas prendre son bain habillé...) ; et les règles de désagrément de l'adulte (ne pas jeter la nourriture par terre (pour un bébé), ne pas salir ses vêtements...).
Le plus souvent, l'adulte décide arbitrairement et unilatéralement des règles auxquelles l'enfant doit se soumettre. Ces 3 types de règles ne sont en général pas détaillées, et elles sont soumises à des punitions en cas de manquement.
Parfois des comportements accidentels seront également soumis à des règles et punitions (tomber et déchirer ses vêtements).
Les punitions sont souvent toujours les mêmes (au coin, privé de dessert, privé de quelque chose que l'enfant aime, voire coups, cris, brimades etc...).
Ces punitions ainsi utilisées n'apportent pas de sens pour l'enfant et n'ont pas de valeur éducative: rappelle toi quand tu étais petit. Comment te sentais tu, puni ou frappé? Qu'en retirais tu?
Quand je me remémore ces épisodes (je n'ai pas eu une enfance traumatique, j'ai été peu punie et frappée et j'ai reçu une éducation plutôt classique), je me souviens avoir été en colère et avoir surtout développé une grande méfiance par rapport aux adultes, et même aux autres humains en général.
Le caractère abritraire des punitions me sautait au visage surtout, je m'en souviens clairement: la punition était directement liée à l'humeur du moment des adultes. Le même comportement pouvait être passible de punition, ou juste être moqué gentiment. Et un comprotement que je jugeais plus grave pouvait ne pas être punissable, ou si mais toujours en fonction du moment. Bref, aucune logique, aucun sens, et aucune reflexion constructive n'en ressortait.
Tu sais ce qu'on dit des punitions: si elles étaient constructives, on ne punirait pas 2 fois et les prisons seraient vides.
Elles peuvent amener l'enfant à ne pas réitérer le comportement, ou à le camoufler, essentiellement par peur.
Parfois c'est totalement inefficace, comme quand ce sont des accidents ou quand il s'agit d'un désagrément pour l'adulte qui est un passage normal de développement pour l'enfant (jeter des objets par terre, toucher à tout, explorer les placards...).
J'ai parlé ici des différentes sortes de règles RIE, je t'invite à y jeter un oeil si tu veux y réfléchir de ton côté et me dire ce que tu en penses.
Pour rendre ces règles plus efficaces et respectueuses, on a pas mal réfléchi avec l'homme et on est arrivés à un système qui nous semble harmonieux. En tous cas plus que la version classique.
D'abord nous avons établi les règles de base comme indiqué ici. Je pars du principe que seules les comportements à risque et ceux inacceptables socialement sont soumis à ces règles. Les comportements dérangeants pour l'adulte mais faisant partie du développement normal de l'enfant n'en font pas partie.
Nous les expliquons hors contexte à l'enfant, avec les conséquences au manquement et le pourquoi, ainsi que le lien entre le manquement et la conséquence. Ensuite nous ne revenons sur l'explication que très rarement et seulement si nécessaire. Le but ici n'est pas de se perdre en discours, ni de supposer son enfant amnésique.
Mais quid des comportements qui nous surpennent? Car les enfants sont souvent plein d'imagination...hem.
Si l'enfant se met en danger, évidemment j'interviens de suite pour sa sécurité, physiquement si besoin. Autant que possible avec une petite phrase, un avertissement: "c'est dangereux" suffit.
Si l'enfant part alors en crise, je gère la crise comme une autre. Ce n'est pas le moment non plus d'entrer dans des discussions, pendant une crise l'enfant n'est pas du tout réceptif.
S'il accepte l'intervention, alors on peut partir sur une explication. Attention car sur le vif on n'a pas toujours la bonne formulation: être clair et concis, ne pas palabrer inutilement est plus efficace. Et surtout si le comportement doit devenir sujet au combo règle/conséquence, on n'aur pas forcément la bonne idée de conséquence immédiatement et sans réflexion.
Personnellement même si l'enfant réagit calmement, je préfère différer pour réfléchir.
Parfois la conséquence est simple à trouver parce que le comportement à risque est de la même famille qu'un autre qui a déjà été défini, on peut alors l'énoncer directement. ("donner la main en traversant" sera proche de "marcher loin du bord du trottoir", et ils auront la même conséquence en cas de manquement).
S'il s'agit d'un comportement inapproprié socialement, en général un peu de réflexion ne fait pas de mal. En effet, le danger est simple à envisager et à comprendre pour l'enfant. Les normes sociales, moins.
Par exemple, Cromignon est vite à l'aise chez les gens. J'ai dû lui expliquer qu'il était malvenu d'aller ouvrir le frigo pour se servir chez des amis, et crois-moi il a eu du mal à le comprendre car moi-même je n'étais pas très au clair sur le pourquoi de l'interdiction. Surtout qu'elle n'entraîne aucun désagrément pour les amis. "Ca ne se fait pas" n'est pas une explication RIE!
Une fois que nous avons réfléchi à la question et élaboré règle et éventuelle conséquence, nous attendons pour en parler avec l'enfant. L'idéal est un moment pas trop éloigné de l'incident, quelques heures après jusqu'à quelques jours maximum si l'enfant est assez grand. Et un moment de calme, sans tension, sans être pressé par la montre.
Je commence par évoquer rapidement l'incident, de façon neutre sans jugement.
-"Cromignon, tu te souviens quand on est allés prendre le goûter chez T.?
-oui, hier?
-oui. Tu as bien joué avec T. Après, tu avais faim et tu es allé ouvrir le frigo pour voir ce que tu pouvais prendre. Alors je t'ai arrêté et ça t'a contrarié.
-ben oui, j'avais faim, pourquoi je ne pouvais pas manger???"
A partir de là je lui explique qu'il s'agit d'une incompréhension. Que de la même façon que par politesse, quand on demande on dit "s'il te plaît", pour manger chez des gens on demande et on ne doit pas ouvrir le frigo seul.
Que c'est comme toute forme de politesse, il ne peut pas le savoir avant qu'on le lui ait dit. Que ce n'est pas grave et maintenant qu'il le sait, il doit faire attention à ne pas recommencer sous peine d'être mal jugé.
Dans ce cas bien sûr, pas de conséquence. Je pourrais en établir une s'il recommence.
Dans ce cas, après la discussion sur la règle, je lui demanderais s'il a une idée pour que le manquement ne se reproduise pas. Et s'il a une idée de conséquence au manquement. Il faut absolument que j'ai une proposition de ocnséquence voire plusieurs si possible.
Une conséquence n'est pas une punition. Elle n'est pas générique. Aller au coin par exemple est générique et utilisé pour tout manquement, c'est une punition.
Une conséquence est en lien direct avec la règle et le manquement. Par exemple: pour traverser on donne la main, sinon je te porte pour te garder en sécurité. A table on ne perturbe pas le repas des autres, sinon ton repas est reporté et j'enlève ton assiette. Tu saisis la différence?
Il est important d'écouter les proposition de l'enfant, s'il en a. Il peut ne pas en avoir, alors on lui en soumet une.
A la fin de la discussion, on aura établi une règle, sa conséquence, et validé avec l'enfant. Si on n'y est pas parvenu, on peut conclure sur "on n'arrive pas à trouver de solution aujourd'hui. Essaie d'y penser pour trouver des idées, je vais réfléchir aussi". Et ensuite, on y revient le lendemain par exemple. Jusqu'à avoir trouvé!
Ainsi la règle est comprise par l'enfant, la conséquence a du sens et une valeur éducative.
Il est possible que l'efficacité ne soit pas immédiate: si ton vilain patron te fait une fleur un jour, tu ne vas pour autant devenir amical de suite, pas vrai? C'est pareil dans la tête de ton enfant. Je n'attends pas de miracles mais je reste droit dans mes bottes en suivant le process établi. Je pourrais y revenir s'il ne porte vraiment aucun fruit au bout de plusieurs fois, pas juste 2 ou 3.
Ici on gère les règles de la maison ainsi, on s'en porte tous bien mieux. Et chez toi?
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