Dans la liste des apprentissages difficiles à faire, pour nos enfants, il y a l'expérience du deuil.
Vendredi, nous sommes allés au salon du modélisme. La Pouillette, sa copine, l'homme, et moi. C'était très chouette. Nous y avons passé l'après-midi entière.
A notre retour...Léïa, le lapin, nous attendait devant la grille. Elle ne fait jamais ça, elle ne vient jamais devant la grille, d'habitude. Elle reste dans le jardin. J'ai tout de suite compris que quelque chose n'allait pas.
Elle sautait partout, d'une manière étrange. L'homme l'a prise, me l'a donnée.
Dans me bras, elle tremblait, et faisait un bruit bizarre.
Je l'ai serrée contre moi, je me suis assise, et je l'ai câlinée.
J'ai vu du sang sur elle. Pas beaucoup, mas quand même assez. Sur ses pattes.
Elle tremblait fort. Il faut savoir que les lapins ne font pas de bruit quand ils ont mal. Difficile de savoir ce qu'ils ressentent du coup. Elle faisait tout de même un bruit étrange, comme un ronronnement, mais plus aigu.
Elle était manifestement très choquée. Je l'ai gardée un moment, puis l'ai mise dans sa cage, pour qu'elle se calme et se sente en sécurité. Elle y est resté une petite demi heure, le temps de téléphoner aux vétérinaires du coin pour en trouver un ouvert.
L'homme l'y a emmenée, dans sa petite cage de transport. Avec la Pouillette, et sa copine.
Jusque là, j'étais inquiète, mais pas trop. Je pensais qu'elle s'était blessé la patte, et qu'elle reviendrait avec un bandage plus des antibiotiques. Elle avait déjà été soignée pour des petites blessures.
L'homme est revenu, avec une Pouillette en larmes, sans Léïa. Il m'a dit qu'elle avait une fracture ouverte, et que le véto avait dit qu'il allait remettre la patte, poser une attelle, mais ne promettait rien.
"Il ne promet rien".
Ça peut s'interpréter de plusieurs manières. On pouvait imaginer qu'il pensait ne pas forcément réussir à "réparer" sa patte, et devrait l'amputer, ou qu'elle resterait boiteuse. Ça ne voulait pas forcément dire que le pire pouvait arriver.
La Pouillette na pas pensé au pire. Elle pleurait car elle avait eu du mal à laisser Léïa chez le vétérinaire, dans une cage de labo, toute seule. Elle avait peur que le lapin reste malade de sa patte. Elle n'a pas pensé à la mort.
J'ai essayé de ne pas y penser non plus. Mais je l'avais sentie vraiment mal. J'avais peur.
On est tous allés se coucher. Le matin, j'ai entendu le téléphone de l'homme sonner, au salon. Grrr. Ça arrive souvent, qu'il laisse traîner son portable partout. Parfois il nous réveille de l'autre bout de la maison, et il faut foncer, à moitié endormis, les pieds nus sur le carrelage froid, pour le retrouver avant que ça ne réveille le Cromignon.
L'homme a donc sauté du lit et a foncé.
Je me suis à moitié ré-assoupie. Je n'avais pas Léïa en tête, j'étais encore dans mes rêves.
L'homme est revenu...je ne te dirais pas dans quel état.
Je n'ai pas compris tout de suite, vu qu'il n'arrivait pas à parler...et puis il me l'a dit.
"Le lapin est mort".
C'est étrange l'effet que ça fait, c'est imprévisible. Je n'aurais pas pu deviner l'état dans lequel ça m'a mis.
Nous avons pleuré très fort, en pyjama, dans notre lit.
Puis il a fallu aller prévenir la Pouillette. La détresse de son enfant, c'est quelque chose qui fait très mal. Et là, pas de possibilité de la consoler. On a fait un gros câlin, dans les larmes.
Il a fallu aller chercher Léïa, et l'enterrer.
L'homme lui a creusé un petit trou. On a mis de la paille dedans, et un objet chacun. J'ai mis une de mes peluches (je suis très peluche). La Pouillette a mis un Petshop. L'homme a mis son Rubicube. Le Cromignon a mis un body (bon j'ai choisi pour lui...).
On l'a regardée. Elle avait une jolie petite attelle sur la patte. Elle aurait pu guérir, mais son petit coeur a été trop sollicité, et il a lâché pendant l'opération.
Elle avait l'air de se reposer.
On l'a caressée. Le Cromignon aussi. Puis l'homme l'a mise dans une serviette blanche, et on l'a posée dans le petit trou. Dans la paille. On lui a mis sa gamelle et son eau. Et on l'a recouverte de paille. Même le Cromignon a mis de la paille dedans.
L'homme a rebouché le trou.
Les filles ont décoré la tombe, avec des fleurs, des cailloux tout autour, et les petits bâtons que Léïa aimait ronger, dans sa cage.
Le tout en pleurant, tous autant qu'on était.
Sauf le Cromignon qui grimpait à l'échelle, tout content d'y arriver.
Nous avons passé le samedi à pleurer et à parler du lapin. Le Cromignon semblait tout étonné de nous voir comme ça. Je ne savais pas quoi dire à la Pouillette pour atténuer sa peine. Elle qui est si optimiste, qui trouve toujours que rien n'est grave, qui cherche des solutions aux problèmes, là, elle était coincée. Pas d'échappatoire.
Le pire c'est que je me sentais bien plus triste que je ne l'aurais pensé. Je pense que c'est la brutalité de sa mort, le fait de n'avoir pas été là, le fait de ne pas savoir ce qui s'est passé, et le fait qu'elle soit morte toute seule, sans nous. Elle a du se sentir abandonnée.
Ensuite on refait l'histoire: si on l'avait mise dans sa cage avant de partir...oui mais il faisait si beau...si on était rentrés plus tôt...si et si et si...
On culpabilise. Je ne me suis pas beaucoup occupée d'elle depuis la naissance du Cromignon. J'aurais du plus la câliner, la toiletter...en profiter.
C'était un gentil petit lapin, elle n'aurait pas dû mourir comme ça. Elle a du souffrir, et avoir très peur.
Depuis je n'arrive pas à parler vraiment de ma peine. Là, je pleure devant mon écran. J'ai des images...que je n'arrive pas à chasser de ma tête.
Je sais que ça n'est pas la fin du monde. Je sais qu'il y a la guerre et la famine. Je sais que des gens souffrent et sont malades. Je sais ce que c'est, aussi, de perdre un proche. Mais ça ne rend pas ma peine, ni celle de la Pouillette et de l'homme, moins forte. Je ne saurais pas l'expliquer.
Alors ne me dit pas que ça n'est pas grave. Ne me dit surtout pas que j'en rachèterais un autre. Ne me dis pas de prendre un chien , ou un autre animal. Ne fais pas d'humour à deux francs.
C'était Leïa, il n'y en avait qu'une, et nous l'aimions beaucoup. Elle était jeune, cette année elle devait faire des bébés. Nous venions de lui offrir une nouvelle cage en bois, pour l'extérieur.
Et elle nous manque.
C'est mon bien triste Quoi de neuf les Loulous, pour Anais et MamanPoussinou. J'espère qu'elles ne m'en voudront pas.